Culture (s)
Vers une humanité métroïque par Bertrand Naivin
lundi 30 janvier 2006

vers l’Homo Métroïs

En 1898, les premières creusées dans le sous-sol parisien préfigurent ce que sera ce XXème siècle : l’auto-enterrement de j’homme dans un nouvel espace-temps totalement hominisé, libéré des lois naturelles. Air , lumière, espace, temps, tout s’y trouvera logicisé pour, plus de praticabilité circulationnelle. C’est ainsi que l’histoire de l’homme occidental sera une succession de mises en boîtes successives.

MARC AUGE

(JPG) Bertrand Naivin, métrobjets et performance.. .Performance métroique :Vêtu d’une casquette, d’une veste et de chaussures métroïques (vertRATP), je déambulerai parmi la foule, et mettrai en scène les métrobjets( caresser un chien, passer l’aspirateur , téléphoner avec le portable. ..) dans un silence hygiénique.,Une bande sonore retranscrira en même temps les bruits du métro. De fait, ce brouhaha sous-terrain, associé à celui de la foule présente au vernissage, contrastera avec mes actions muettes...

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Vers une humanité métroïque...

Le II septembre dernier s’écroulaient, pulvérisées, les Twin Towers, véritables tours babelliennes de l’Homo consuméris (Baudrillard). De fait, ce que d’aucuns n’hésitèrent pas à baptiser les Evènements, marquent (ou pourraient marquer) un tournant dans l’évolution de l’homme occidental. C’est en tout cas dans cet espoir que l’art peut se placer, profitant des cendres de cette société de consommation de soi (Quessada) pour stigmatiser notre autophagie ontologique, et questionner ainsi l’avenir de l’Homme. .. Aujourd’hui, notre espèce semble être au seuil d’une nouvelle étape décisive de son évolution. De cette mixité entre incarnation et abstraction, corps et esprit, que la pensée chinoise sut toujours lui reconnaître, l’homme, dans un fantasme icarien d’une post-humanité purifiée de la chair par je calcul, nourrit désormais plus que jamais le projet d’une auto- désanimalisation. Ainsi le divin, après des traditions de paganisme et d’animisme, fut affublé de visages et de corps humains (des premières théogonies à l’incarnation christique), pour aujourd’hui être remplacé par ce nouvel olympe qu’occupent ce que le langage populaire nomme les stars. Les vertus célestes devenant ainsi le fait de ces produits de variété. Et s’il demeure évident l’interdépendance entre les cultes et 1a société dans laquelle ils ont cours, cette religiosité attribuée à ces purs être-produits de consommation que sont ces stars révèle l’autophagie ontologique évoquée plus haut. Fort de son héritage de l’ère industrielle où le produit connut son véritable avènement en tant que transformateur du monde et des hommes en bien et sujets de production, incarnant de fait une nouvelle ontologie de l’artificialité comme réponse à son désir d’assujettir la vie, l’homme post-moderne rentre désormais dans une auto-plastification. Après la nature et les dieux, en effet, c’est à son propre corps de devenir objet perfectible. Via les nouvelles biotechnologies, l’utopie d’un corps réparable et immortel refait surface. Nous nous consommions nous-même à travers l’hominisation de la nature (agriculture intensive et spécialisée, OGM) et l’objectalisation de l’existence opérée par la télévision. A présent, grâce aux nouveaux outils numériques, nous pouvons presque élaborer des méta corps et des méta- mondes via le virtuel et les nanotechnologies. L ’humanité se transforme ainsi en un immense métro, une mise en réseau d’une vie totalement artificialisée. Une humanité métroïque. L’objet venant de lui-même, en objectalisant le monde et son corps, l’ Homo-métrois neutralise et fragmente pour mieux la maîtriser celle dont il fut longtemps l’ esclave : la vie. De même, l’esthétique métroïque se propose-t-elle de recouvrir cette humanité d’une couleur RATPènne ce vert ou ce violet, symbole de la nature, devenu plastique et fade- pour stigmatiser cette métroisation du monde et de l ’homme. Prise dans un tout uniforme et uni chrome, la pluralité de la vie est ainsi condamnée au silence des musées ethnographiques et zoologiques...

Bertrand Naivin.