Jean François Duffau : Sculpteur
Jean François Duffau
Sculpteur
lundi 13 février 2006

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Sculpture

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Collages

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Lettre à Jean François DUFFAU par Jean Paul GUIBBERT

Mon cher Duffau, ceci n’est ni une lettre, ni une préface, comme il était par ailleurs convenu. Il s’agit de rubans, de phylactères, sur lesquels sont écrites des paroles nécessaires mais dont on pourrait aisément s’abstenir. Pour moi ces infimes gazes, infiniment pliées et repliées sont l’une de ces tromperies de l’œil dans lesquelles ma pensée aime se perdre.

Il en est ainsi de ces phylactères enrubannés sur lesquels s’inscrivent les pauvres et ultimes paroles du moribond de l’Ars Moriendi, où, à l’heure du passage s’élisent d’elles-mêmes les dernières inutilités. La Mère et. le Fils assistent, alors que les diablotins sournois ou égrillards s’efforcent de vaincre une résolution déjà apparente dans lle regard de l’homme qui meurt. Sur les plats d’amour de PeIIipario, le ruban aimablement. enroulé sert à nommer le visage, la graphie curieusement. n’est jamais masquée par les plis ou les ombres des plis ( ou ne se laisse deviner) la belle nommée l’est sans ambiguïté. Il ne sera pas de même ici.

Antonio Bazzi dit Mattachio, dit. le Sodoma (chevalier Sodoma) disait. que ses trois femmes étaient les plus méchantes bêtes qui vivaient dans sa maison, il hébergeait en outre en permanence : ses perroquets, son corbeau, son blaireau et quelques autres volailles.

Lorsqu’il vint à Monte Oliveto pour terminer les fresques du cloître commencées par Signorelli, il installa avec lui cette ménagerie dont l’entretien devait incomber à la communauté religieuse. Voilà un trait qui aurait pu t’appartenir. Ce sont plutôt les fresques qu’il dut exécuter pour San Domenico de Sienne qui m’intéresse à ton propos : Sainte Catherine y est peinte dans un romantique évanouissement, elle a laissé choir à terre le lis des vierges et son livre d’heures dont la page est encore marquée d’un signet. Deux compagnes prévenantes sont là pour la soutenir ; derrière son regard mi-clos et le peu d’expression de son visage, est une orgueilleuse certitude celle d’être secourue d’en haut, d’être sauvée. Le groupe est beau sur son fond d’ornements et de sous-bois, mais rien n’attire la sympathie chez cette femme. Ta Catherine est plus proche, plus faible plus humaine et au-delà de ce travail du plâtre, esquissé et malaisé dans sa pauvreté, apparaît un corps vieilli et languide qui n’est d’ailleurs pas sans beauté, et transparaît une âme qui pesait lourd et à la quelle il fallait plus que l’appui viril de la main droite pour se reprendre (une sainte faillible) juste retour pour la sainte robuste, ennemie politique de la corruption Avignonnaise, mère de la belle brigade, et .pour celle qui savait goûter les émotions fortes. Lorsqu’elle assista de sa parole Niccolo de Tuldo, elle suivit l’exécution et baisa sa tête tranchée : Lorsque le cadavre eut été enlevé, mon âme se reposa dans une paix délicieuse et je jouissais du parfum de ce sang et je voulus point souffrir que l’on enleva celui qui avait jailli sur mes vêtements. En écrivant je remarque que la un fragment, elle n’indique rien du corps qui la portait, soit que ce corps n’ayant jamais existé, elle résume dans ce seul fragment privilégié un corps ou une pensée qu’il eut été agréable ou non de reconnaître ou de rencontrer, soit que le corps perdu reste la proie et l’ombre de nos désirs, soit encore que la parfaite cassure polie, minutieusement précisée soit déjà en elle-même comme un signe définitif, porteur de mort, partant une fin d’exister. Au contraire tes visages renversés, par leur insolite, l’irrationnel de leur position, désamorcent le réel. Il y a dans ce visage -posé à l’envers, un tel sentiment de l’inconfort, qu’il force l’ironie ; sans doute elle est défense et douce-amère, mais c’est par l’une de ces naturelles modifications que tu donnes le sens, que basculent les forces. Il y a une quinzaine d’années, dans l’un de ces musées pseudo-prophylactiques de foire, qui sous un chapiteau de toile tentent de dévoiler quelques uns des secrets des maladies vénériennes, de la mort et de la vie, J’ai vu , parmi les tumeurs, les squelettes d’enfants, les corps momifiés et ces merveilleux mannequins de cire colorée mimant les différentes phases de la parturition, le chef tranché d’un condamné à mort (par ailleurs nommé, connu). Le visage lourd, blanc et glabre baignait dans le liquide trouble d’un bocal cylindrique dans lequel il était enfoncé, le nez épaté, écrasé contre le verre. Je pensais au ventre blanc et à la gorge fragile d’un lézard noyé dans l’eau de mon bassin, le jour où pour la première fois j’avais vu la mort et qu’elle était blanche. L’élément élu, le fragment, la tête tranchée, sont fréquents dans ta sculpture où entrent indirectement dans ta composition : le visage éclaté de la petite Fine, le décapité dans son enveloppe transparente, qui n’est plus tout à fait ce que tu voulais, qui t’a échappé et s’est mis à mourir de sa propre mort ; la tête du Baptiste, elle aussi retournée, posée entre les cuisses ouvertes d’Hérodiade, tirant la langue au plaisir, à la vie. Ils sont aussi les témoins de cette peine capitale et qui signifie au-delà de toi mais que tu dresses au bout de toutes tes allées comme autant d’anti-termes. Aurais-tu le sens de ce jardin classique dont les seuls secrets que tu dévoiles sont les signes inversés ? La vérité, le plan de tes formes, leur nudité, leur balance arrêtée en un point précis qui n’est pas discutable, qui est le tien, c’est celui du moment ou tu forces le tragique à pencher de ton tête seule, séparée du restant du corps, à .laquelle nous avons été de tout temps habitués par la Statuaire, apparaît fréquemment comme angoissante, ou nous faisant éprouver en tous cas un oppressant sentiment du manque, car, délimitant un fragment, elle n’indique rien du corps qui la portait, soit que ce corps n’ayant jamais existé, elle résume dans ce seul fragment privilégié un corps ou une pensée qu’il eut été agréable ou non de reconnaître ou de rencontrer, soit que le corps perdu reste la proie et l’ombre de nos désirs, soit encore que la parfaite cassure polie, minutieusement précisée soit déjà en elle-même comme un signe définitif, porteur de mort, partant une fin d’exister. Au contraire tes visages renversés, par leur insolite, l’irrationnel de leur position, désamorcent le réel. Il y a dans ce visage -posé à l’envers, un tel sentiment de l’inconfort, qu’il force l’ironie ; sans doute elle est défense et douce-amère, mais c’est par l’une de ces naturelles modifications que tu donnes le sens, que basculent les forces. Il y a une quinzaine d’années, dans l’un de ces musées pseudo-prophylactiques de foire, qui sous un chapiteau de toile tentent de dévoiler quelques uns des secrets des maladies vénériennes, de la mort et de la vie, J’ai vu , parmi les tumeurs, les squelettes d’enfants, les corps momifiés et ces merveilleux mannequins de cire colorée mimant les différentes phases de la parturition, le chef tranché d’un condamné à mort (par ailleurs nommé, connu). Le visage lourd, blanc et glabre baignait dans le liquide trouble d’un bocal cylindrique dans lequel il était enfoncé, le nez épaté, écrasé contre le verre. Je pensais au ventre blanc et à la gorge fragile d’un lézard noyé dans l’eau de mon bassin, le jour où pour la première fois j’avais vu la mort et qu’elle était blanche. L’élément élu, le fragment, la tête tranchée, sont fréquents dans ta sculpture où entrent indirectement dans ta composition : le visage éclaté de la petite Fine, le décapité dans son enveloppe transparente, qui n’est plus tout à fait ce que tu voulais, qui t’a échappé et s’est mis à mourir de sa propre mort ; la tête du Baptiste, elle aussi retournée, posée entre les cuisses ouvertes d’Hérodiade, tirant la langue au plaisir, à la vie. Ils sont aussi les témoins de cette peine capitale et qui signifie au-delà de toi mais que tu dresses au bout de toutes tes allées comme autant d’anti-termes. Aurais-tu le sens de ce jardin classique dont les seuls secrets que tu dévoiles sont les signes inversés ? La vérité, le plan de tes formes, leur nudité, leur balance arrêtée en un point précis qui n’est pas discutable, qui est le tien, c’est celui du moment ou tu forces le tragique à pencher de ton côté, vers le sourire.

Tu manies cette chance dans ta vie, pour autant que je te connaisse (et je te connais peu) mais nous nous sommes mieux approchés, il me semble, à l’un de ces hiatus imprévisibles où l’une de nos chances est encore le froid et lucide geste de sourire. Je salue en toi le geste, la main, l’érotique. du matériau et ton destin qui est de n’être d’aucun couloir, de ne suivre aucun vent, de n’avoir d’autre destin que celui d’être seul. Salut.

Jean Paul Guibbert