JEAN-FRAN9OIS DUFFAU est parti
Nous te saluons Maitre
vendredi 10 février 2017
par Administrateur- tiphaine

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Jean-Paul Guibbert à Jean-François Duffau

Ta Catherine est plus proche, plus faible plus humaine et au-delà de ce travail du plâtre, esquissé et malaisé dans sa pauvreté, apparaît un corps vieilli et languide qui n’est d’ailleurs pas sans beauté, et transparaît une âme qui pesait lourd et à laquelle il fallait plus que l’appui viril de la main droite pour se reprendre (une sainte faillible) juste retour pour la sainte robuste, ennemie politique de la corruption Avignonnaise, mère de la belle brigade, et .pour celle qui savait goûter les émotions fortes

Aurais-tu le sens de ce jardin classique dont les seuls secrets que tu dévoiles sont les signes inversés ? La vérité, le plan de tes formes, leur nudité, leur balance arrêtée en un point précis qui n’est pas discutable, qui est le tien, c’est celui du moment où tu forces le tragique à pencher de ton côté, vers le sourire.

Tu manies cette chance dans ta vie, pour autant que je te connaisse (et je te connais peu) mais nous nous sommes mieux approchés, il me semble, à l’un de ces hiatus imprévisibles où l’une de nos chances est encore le froid et lucide geste de sourire. Je salue en toi le geste, la main, l’érotique. Du matériau et ton destin qui est de n’être d’aucun couloir, de ne suivre aucun vent, de n’avoir d’autre destin que celui d’être seul. Salut.

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ma partie d’ombre

De Tiphaine à Jean François Duffau

Nous nous sommes croisé il y a bien longtemps, au Beaux-Arts de Paris, j’étais déjà intriguée, dès son premier regard. Son allure, sa barbe, l’air qui flottait autour de lui, ses gestes, habillé en hiver par tout temps, en velours côtelé, et des yeux étonnamment bleus...qui sourient, tout faisait de lui un être à part.

Assistant de César, son atelier débordait de sculptures, de moulages, d’anatomies. Ce foisonnant lieu de travail, c’était déjà son règne. Mêlé à l’œuvre de son « patron » au-delà de tout entendement, l’œuvre de César est acheminé, guidée par son œil, son esprit, sa culture. Baroque ? non, œuvre démesurée, ou chaque texture, sillon, est le résultat d’un signe, d’une raison historique, qui soit hittites ou égyptienne, ce tandem spirituel, à la façon de Guattari et Deleuze est un premier signe d’avant-garde d’une faculté dont d’autres artistes et plasticiens se servirons beaucoup de temps après eux. Ce fut une aventure de façonnage mutuel.

Ses conseils, sa parole, sa façon de proposer les techniques et méthodes les plus difficiles avec la seule vérité, qui transforme tout enseignement : la perception par la sensibilité. L’art est sa vie, l’art qu’il connaît comme un secret, qu’il nous fait partager par son érudition et son énergie. C’est son monde, sa capture, sa cible.

Son devenir d’enseignant fut, professeur de sculpture au Beaux-Arts de Paris. Il reste un des seuls à pratiquer l’apprentissage classique, son savoir de pédagogue, ses réseaux mentaux, sa façon de nous imprégner de ses connaissances, toujours avec hâte et justesse. Ses passations sont toujours d’une rigueur unique. Sa parole, ses anecdotes, ses colères, sont des efforts de précision envers l’histoire, la grande et l’autre celle de sa mémoire, c’est pour les artistes qu’il aime, et pour ses amis.

Tu connaissais Paris et ses ruelles, ses passages... les squares et les chemins de traverse, Paris et ses cathédrales, et leur contenu, peintures, fresques, sculptures, reliques, il peut tout nommer, ses églises, ses parcs, ses cimetières, étant élève le parcours du Père Lachaise qu’il nous faisait faire à vive allure, pendant trois ou quatre heures, était accompagné par la vivacité de ses commentaires sur chaque tombe, je me souviens de sa critique acerbe sur les sculptures qu’il n’aime pas...et d’autres histoires plus intimes, les dessous des tombes et ses secrets, que seulement lui connaissais. Tu avais la façon la plus rapide d’arriver dans un lieu et une manière unique de te sentir chez toi où que ce soit, sa place était là pour le temps qu’il voudra. Vrai disciple de Guy Débord, la déambulation, la dérive il la connaissait... Il m’est arrivé sortir du dernier café à trois heures du matin, avec ton petit chien sur les bras, ton sac qui pesait « un âne mort » comme disait ton ami Debout... rentrer chez toi à pied, corvée rafraichissante, moi produit argentin, éduquée au coca cola, tes beuveries ne me faisaient pas peur (je me suis bien rattrapée par la suite) ... Arrivés à ton atelier, dans le noir, entendre les ronflements de Ulla ton pilori, héritage de César...

Pour ses corridors de l’oubli qu’il se bâti chaque jour pour mieux recommencer, plus frais, pour léger. Tous ses efforts, dans la nature de Jean François, sont fluides et naturels. Depuis le conseil qu’il donnera, jusqu’à l’objet qu’il choisira, pour continuer son bilan sur les hommes, c’est pour lui la preuve d’une action, d’un geste, d’un état d’humour, d’un état de grâce, humaine ou plastique, qu’il gardera, accumulera, le forçant à participer comme élément d’une œuvre à venir ...

Sa vie ? ses pensées ? Les projets qu’il a dû mettre de côté ... Et ceux qui ont été réalisés, les grands et ceux produits de ta folle dérision... Il nous restera tes passages, tes paysages, tes lieux, ta dérive... Et surtout, ta joie de vivre, ton exaltation et ta généreuse ouverture.

ESPACE TIPHAINE-BASTILLE Présente JEAN FRANCOIS DUFFAU « LES NAGEURS de FOND » Sculpture / installation EXPOSITION février 2006

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