la langue, le langage, exploration obsessionnelle du vrai, poids et pouvoir des mots...
A Avignon une création insensée, de GABRIEL GARRAN, lorsqu’il choisit, de Margueritte Duras « L’Homme assis dans le couloir »
Comme « L’origine du monde » de Courbet, çà choque, ça dérange...Pari explosif, mise en scène et révérence a la littérature.
dimanche 10 juillet 2016
par Administrateur- tiphaine

Un texte énigmatique, « L’homme assis dans le couloir » de Marguerite

Duras, garde tout son mystère, depuis sa parution en 1980.

Un metteur en scène, Gabriel Garran, a su extraire de ce texte toute sa

matérialité, toute sa poétique, en s’engageant dans le tourbillon des

mots.

La cadence nous annonce une histoire...

Des ébauches apparaissent, échafaudant des situations et créant des

évènements évanescents, dessinés dans la brume du soir...

Dehors la nature bouge, le ciel violet souffle, le fleuve respire...

Le balancement entre l’extérieur et l’intérieur sonne comme les

battements des corps prisonniers d’un dedans, corps enfermés et

enflammés...

Sur la plage un corps roule, douloureux, sur des pierres, soumis aux

coups et aux caresses....

Le rythme marqué par ricochets est composé d’un amoncellement des

sensations.

Nous sommes les témoins éperdus d’une histoire qui se recroqueville

sur elle-même, axe décalé.

Quelqu’un, en nous engonçant dans la marée des mots, nous avertit que

nous sommes en pleine dérive littéraire incantatoire, répétitive, jamais agonisante, qui nous pousse du dehors vers l’intérieur, et du dedans

vers la lumière, la plage, le vent, le brouillard...

Des corps, des silences.

A l’intérieur, un homme attend.

Dehors, une femme se tend, s’offre, s’ouvre.

Marie-Cécile Gueguen interprète son personnage sur une corde raide,

« retenant » le texte en laisse... le récit virevolte autour.

Elle arrache au récit les mots, elle les triture...

Les mots prennent place dans une zone intérieure...

Avec précision elle va nous énumérer, bilan méticuleux, chacun des

mots qui désignent l’Organe concerné, autour duquel s’incarnent les

turbulentes sensations, odeurs et sons...

L ‘attitude, la diction de Marie-Cécile Gueguen, artifices du recul,

relèguent le texte hors de son corps,....

Elle sera la texture même du récit, pas sa signifiance...

Et ce sera en dansant comme Salomé après le geste biblique et

fatidique, que l’artiste s’emparera de l’énergie incandescente du texte.

La lumière, le son et le décor sont l’habitacle secret organisé autour d’une nostalgie, d’une écriture en devenir, aux accents prémonitoires.