« Des arbres à abattre » de Thomas Bernhard Mise en scène de Krystian Lupa
VU à AVIGNON : tragédie contemporaine nimbée d’ étincelles de boue et de sublime....
samedi 22 août 2015
par Administrateur- tiphaine

« Des arbres à abattre »

de Thomas Bernhard

Mise en scène de Krystian Lupa

Sous l’emprise de Lupa, le texte de Thomas Bernhard subit des transformations, des surélévations, comme si ces mystérieuses révélations chuchotées autour de la mort d’une comédienne, possédaient le pouvoir de transformer l’espace théâtral, le lieu fermé et clos, en « confessionnal public ». Le plan scénique, en se transformant ainsi, oblige tour à tour chaque personnage à une « exploration » minutieuse et sans pitié de son esprit en friche ...

Ainsi la passation de pouvoir entre les deux créateurs, auteur et metteur en scène, finit pour nous imposer leur rythme tout en créant deux niveaux bien différenciés .... Parfois on croit toucher le bel effort de Lupa pour « consoler » Thomas Bernhard...

Les changements opèrent des décalages, des dérives... L’énergie déployée par Lupa pour rejoindre le récit, la pensée de Thomas Bernhard, crée une atmosphère équivoque, qui augmente l’intensité dramatique, tout en nous découvrant sa volonté de rester dans le texte qu’il outrepasse.

Lorsque les mots que Thomas Bernhard nous « inflige » sonnent pitoyables et répétitifs, la mise en scène à texture humaine arrive dans sa beauté pour nous enlever au fatalisme de la médiocrité, pour nous enlever à la mort...

Presque en off, un vieux philosophe, remet d’aplomb le « réel », soumettant les événements qui vont inévitablement se précipiter dans une mascarade à l’allure de « Comédie humaine » dont les ambiguïtés ne feront qu’augmenter pour faire émerger leur pitoyable et lumineuse « vérité ».

Ainsi, le texte et les « images » vont agir en fusionnant , dans un amalgame subtil, exacerbé par les poussées d’intensité. Les opérations de transformation sont ainsi conservées par les rapports de force. Le dialogue avec l’auteur prend une égale dynamique, et par de subtiles superpositions nous emmène à la juste mesure du texte et de sa structure...

Les zones d’ombre « délaissées » sont investies et décryptées par Lupa, et le contenu ironique et sanglant de Thomas Bernhard devient densité, rythme, allégorie, transfert par et dans le rire... Cette utilisation du « comique » réveille le spectateur et le place dans l’exact sentiment de notre tragédie contemporaine nimbée d’ étincelles de boue et de sublime....

tiphaine stepffer