LA SUITE "HOMMAGE à MARCEL GILI au MAS GENEGAL
Oeuvres de Pascal Messonnat
vendredi 17 avril 2015
par Administrateur- tiphaine

Oeuvres de Pascal Messonnat

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MARCEL GILI PAR GEORGES-EMMANUEL CLANCIER

La beauté dans la sculpture de Marcel Gili a pris la liberté de rejeter les marques et les masques d’une harmonie par trop traditionnelle. Si elle se refuse aux effets d’une séduction facile, elle n’en demeure pas moins présente - oh ! combien - dans le jeu des formes, dans l’équilibre original des ombres et des lumières.

Peut-être même, est-elle ici, hors de toute complaisance anecdotique, la seule affirmation d’une espérance continuant, malgré tout, à éclairer le monde : ce monde cruel souvent jusqu’à l’atrocité, que suscite et subit une humanité enfoncée dans le mal et le malheur.

Cette beauté, fruit de l’expérience passionnée de l’artiste, du savoir acquis par ses mains comme par son regard, mais encore par son esprit et par son coeur, cette beauté pourra se faire tour à tour solaire ou nocturne, apollinienne ou dionysiaque ; elle pourra, avec une égale plénitude, célébrer la tendresse, dénoncer l’horreur, devenir dans son silence l’équivalence d’un chant d’amour ou d’un cri de révolte.

Ainsi, parmi tant d’autres oeuvres, la "Robe de mariée", haut bloc où vibre l’élan de l’amour (un double amour : maternel et filial) apparaît-il au-delà de l’hommage qu’il célèbre (hommage de l’artiste à celle qui lui a donné le jour, et, en conséquence, hommage à la terre natale, au peuple catalan, à sa culture) comme le prolongement par la création artistique, par le geste fécond du sculpteur, de l’appartenance à la mère. Il y a là, à la fois, le jaillissement de la chair éphémère et son accession plénière à l’ordre de l’éternel.

Dans cette sculpture - que je cite à titre d’exemple -, comme dans tout l’oeuvre de Marcel Gili, deux grandes forces, deux forces premières commandent : d’une part l’élan d’une joie sensuelle qui anime les formes, les rend rayonnantes (formes de la femme, formes du couple, formes du cosmos), d’autre part l’emprise du tragique qui déchire ou tourmente les formes, les rend signes de douleur, de destruction, de mort (je songe, par exemple, aux Empreintes de charnier , cette mise à nu terrible des monstruosités d’une Histoire qui change guère). Et parfois ces deux forces antagonistes s’allient dans une seule et même sculpture qui les métamorphose en une seule et même évidence. Ainsi en va-t-il pour les "gangues", ces êtres comme emmurés vivants en eux-mêmes, ces fûts de momies, dirait-on. Certaines de ces "gangues" peuvent, avec leur structure et leur relief, nous faire éprouver jusqu’au malaise le tragique de la solitude, de la clôture absolue, cependant que le jeu des pleins et des creux organisé selon une autre structure nous donnera à voir la plénitude du désir ou le tourbillon du cosmos.

Par ailleurs, qu’une sculpture de Gili procède d’une visée monumentale ou au contraire relève de la vision intime, elle témoignera toujours, par l’heureuse rigueur de ses proportions, du même sens de la grandeur. Il en va de même pour l’oeuvre pictural que Gili n’a cessé de créer parallèlement à l’édification de sa sculpture.

Dans les dessins, dans les peintures il semble que le trait, la répartition des ombres et des clartés, comme la modulation des couleurs, fassent apparaître l’incessante, l’impérieuse vibration qui ordonne et transforme la vie des formes. Cela s’affirme tout particulièrement dans ces sortes d’amoncellements, de moutonnements des corps enlacés, accouplés, emmêlés et tendant à constituer par leur somme mouvante un autre corps géant et souverain - ainsi les vagues d’une mer dont on dit qu’elle moutonne engendrent-elles devant nous l’immensité océanique.

Il est sûr que tout l’oeuvre de Marcel Gili, qu’il soit dessin, peinture ou sculpture, se réfère, tantôt secrètement, tantôt de façon plus délibérée, à une dimension cosmique de notre être. Par là, il constitue, hors de tout dogme, une expérience originale du sacré.

Georges-Emmanuel CLANCIER