MAIL ART : KURT SCHWITERS/ANTONIO SAURA/ CHRISTIAN DEBOUT
mercredi 21 septembre 2011
par Administrateur- tiphaine

"Coup d’envois" est la première d’une série d’expositions qui expriment la poste dans son actualité, sa permanente modernité, son ancrage dans la société dont elle est un rouage actif et décisif. Parce qu’un musée, lorsqu’il est le musée d’un grand service public, ne peut se contenter d’être le musée d’une histoire, témoin des techniques et conservateur des objets. Il doit aussi être le musée dès actes, des gestes que le service public assumé et que la société ou les individus lui demandent ou pratiquent. Le musée de la culture postale.

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Christian Debout/ Image Byzantine verte/ huile sur toile/1980/ 195X145 cm /

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Christian Debout/ Enveloppe Rouge/ huile sur toile/1980 220X130 cm/

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Antonio Saura/ Poste centrale/ zingographie 59X78 cm/ 1977

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Kurt Schwitters/ Wilkie/collage/ 17X14 cm/ 1947

Ecrire est un acte de civilisation. L’envoi par la poste, véhicule univer· sel de transmission, est un acquis démocratique. C’est pour cela qu’au sein d’une même exposition, des envois postaux, décoratifs ou incongrus, gestes ludiques et anonymes, kitsch ou minimalistes, côtoient des enveloppes dessinées par les plus grands noms de l’histoire de l’art du xx siècle comme Picasso, Miro, Matisse, Léger, Braque ou Calder, ou de grands poètes, écrivains ou penseurs comme Mallarmé, Baudelaire, Eluard ou Barthes.

Des actes spontanés et, insouciants d’envoi, souvent folkloriques, parfois gratuits, empruntent les mêmes voies que le Mail Art, courant organisé et significatif de libération et.de communication directe, forme d’art qui a sciemment utilisé les techniques postales, Saisissante révélation, tant psychologique que sociale et culturelle, l’exposition dévoile chez de nombreux artistes l’intérêt porté à un moment ou à un autre de leur travail, soit à la représentation de la lettre ou du geste de l’envoi, soit à leur prise en considération à titre graphique ou plastique, L’enveloppe devient Support, exercée ou jeu, par la rigueur de son format, l’élégance ou la sensualité de sa doublure, l’esthétique de sa découpe, le brillant et le jauni de sa gomme, la transparence de sa fenêtre, la déchirure de ses coins, le graphisme de son écriture.

Le timbre voit décupler ses fonctions d’image, de message, de symbole, Les matériaux de transport et d’acheminement participent du travail des artistes, les tampons et cachets sont éléments de mise en page et manient humour. On savait qu’Alechinsky peignait sur des lettres, que Buraglio installait ses enveloppes déchirées sur les murs, que Patrick Raynaud a fait de la caisse d’emballage l’œuvre même, que Manzoni ficelait ses paquets comme des sculptures ... On sait moins que Jean-Pierre Raynaud éternise les papiers de deuil aux doublures noires, que Pol Bury cinétise aussi l’enveloppe, que Carl André a fait du Mail Art, que Sarkis a enregistré sur disque le bruit de l’écriture d’une lettre.

On se prend à rêver que le visiteur, mis en ambiance et en tentation d’ écrire, ébranlé par la diversité de témoignages sur la force et la liberté de la correspondance, retrouve au sein même de l’exposition le geste trop souvent négligé de prendre la plume. Car le rôle d’un musée, c’est d’abriter mais aussi d’inciter aux passions. Le Musée de la Poste, haut lieu de la philatélie, a déjà intégré cette dimension. A lui de l’élargir. Sans aucune prétention à l’exhaustivité, "Coup d’envois" est une exposition-signal. Davantage illustration ,de concepts que rétrospective de courants, la première sur ce thème, provoquant la réunion inédite et inattendue de noms et d’ œuvres, elle veut être aussi une exposition-trace, pour l’avenir.

MARIE.CLAUDE LE FLOC’H

Directeur du Musée