ROMEO CASTELLUCCI- son oeuvre sa pensée...
samedi 21 août 2010
par Administrateur- tiphaine

En 1981, Romeo Castellucci fonde avec Claudia Castellucci et Chiara Guidi la compagnie Socìetas Raffaello Sanzio. Le concept qui unit toutes ses œuvres s’appuie sur la conception d’un théâtre privilégiant les expressions artistiques, trouvailles visuelles et sonores, la vidéo et des nouvelles technologies, alliées à l’artisanat théâtral. Entre le texte, l’incommunication, les images déjà véhiculent, sa recherche, de l’horreur et la cruauté d’Antonin Artaud dont le réalisateur se dit influencé. Cette exploration lui a emmené vers des grandes œuvres, de textes, de la grande tradition dramaturgique de l’Occident, dont l’Épopée de Gilgamesh, la trilogie de L’Orestie d’Eschyle, Hamlet et Jules César de Shakespeare, Hänsel et Gretel des frères Grimm, Voyage au bout de la nuit de Céline, le Livre de la Genèse de la Bible. Il analyse ses textes de façon radicale et met en question l’essence du théâtre lui-même. En 2002, c’est le début d’une longue aventure, celle de la Tragedia endogonidia, qui fera halte dans les principales villes d’Europe, le but sont les villes elles mêmes. C’est au cours de ces aventures théâtrales, dans ces villes qui vont se développer les onze épisodes de la Tragedia, dont le deuxième épisode est créé pour le Festival d’Avignon 2002.

Tragédie Endogonidia BERLIN.H O3 Onze épisodes, onze villes. Au delà, un registre plus ambitieux d’un nouveau concept du théâtre et d’une recherche d’un langage multiple adapté, et construit autour de la différence. Sur scène, une femme s’acharne à nettoyer le sol, dans un lit, caché, un enfant mort ? Crime, assassinat ? Dans la semi-pénombre, des faisceaux d’une lumière iridescente nous laissent apercevoir.... Castellucci nous ouvre les portes de l’histoire de la honte, Berlin#.03.

La société se transforme, se délie, les groupes deviennent de plus en plus différents, ennemis, et surtout ne partagent plus les mêmes désirs, ne croyant plus aux même idées. Les sociétés sont scindées, ce sont les raisons de transformations, de dédoublements de cette aventure théâtrale, sur l’horreur, cruauté, il faut aller chercher loin des images, qui frappent encore, la sensibilité du public, Castellucci, s’organise, prend de raccourcis visuels d’une splendide plasticité, surtout les scènes les plus osées sont empreintes de la beauté sauvage d’un matériel presque stellaire qui devient du langage visuel.

...Et pourtant cette chambre et son personnage nous transportent en Grèce Antique, les immolations, les sacrifices pour apaiser les dieux, du classique, un cerveau multiple s’installe, c’est de l’intelligence artificielle, théâtre allégorique, tragédie, la classique célébration de l’acte fondateur, dans ce décor, la douleur, le sexe, l’obscène, les jeux d’enfants, la cruauté, et la mort, explosent.

Ces visions sont illuminées, cage de transparences, jeux d’ombres, pénombre lunaire, beauté chiffrée d’un rêve millénaire, la maîtrise de nos destins. L’instinct le plus primitif, le meurtre, ouvre cette cérémonie Les tableaux se déroulent sans textes, opalescence charnelle et gestes interdits, Roméo Castellucci nous oblige à voir en dehors des protocoles de la convenance esthétique. La vérité s’impose, brûlante à nos yeux, unique et singulière, les fragments de cette histoire se plient à l’orchestration de l’unité finale. Tiphaine-Stepffer à Avignon

C’est une œuvre sur le mouvement. Sur le geste dépourvu de tout contenu. C’est un acte avec les mots. C’est une sorte de danse. Un folklore d’oubli, nocturne, complètement et parfaitement occidental.Cette fois-ci ce sera une sorte de danse sans aucun contenu, dont la seule morale sera de tracer des lignes dans le volume d’un espace.

L’espace, ici, représente la demeure de l’esprit, et non pas un espace. Je ne suis pas si primitif. Une série de tableaux. Une série de représentations apparemment séparées. On pourrait dire une série de nombres qui, essentiellement, dévoilent différents aspects des relations humaines. Une pièce de deux minutes, suivie par une de douze, par exemple, suivie par une de trois, suivie encore par une de vingt, etc. etc.

Des gens différents. Des acteurs courageux. Quelques jeunes gens. Des tonnes de tendresse. Certaines scènes seront parlées. Une sorte de « portrait » issu de l’archive immense du geste occidental. Une sorte de synthèse du geste perdu de l’Occident. Une sorte de vision de fantômes abritant chaque geste quotidien comme une coquille vide. Le drame d’un geste consiste à ne plus avoir une expérience pouvant le soutenir.

Le drame d’un geste consiste, immédiatement, dans le fait de devoir aller d’un point A à un point B d’un espace ; de devoir se placer entre deux choses, entre deux points : c’est ça le petit drame de chaque geste. Toutes ces coupures, toute cette réalité qui explose sans cesse. Tous ces fragments différents de temps qui sont emportés et qui, comme de l’huile, salissent les bras et les jambes de ceux qui font ce geste. Toute cette confusion derrière chaque simple geste. Cette panique. Cet affreux automatisme.

Sera-t-elle une œuvre qui cherche la beauté et , l’équilibre du mouvement ? Qui cherche le discours de la danse ? Ou de l’anti-danse ? Une œuvre sur la crise ? Je pense que ce n’est pas ça le problème. Je le répète : les artistes n’ont rien à voir. Ils ont fait leur temps avec leurs visions. Je serai plus direct. Un théâtre cultivé, ça ne m’intéresse plus. Pourtant, je ne saurais plus à qui m’adresser, vue que le peuple n’existe pas non plus. Mais là encore, ce n’est pas ça mon problème. Je sens que je dois le faire, et c’est tout. L’une des tâches politiques du théâtre que j’observe maintenant est d’aller jusqu’au bout de la spécificité de son langage. Sans craindre l’incompréhension, l’impossibilité de communication, ou de traduction, de jugement, d’explication ; sans l’anxiété de justifier son manque de discours et l’absence du discours en général ; avec une stratégie autour des mots et autour des images organisant une nouvelle réalité. Voilà, en synthèse, le mouvement du théâtre tel que je le conçois. La rapidité de réaction et de transformation de sa forme devient une stratégie de fuite, nécessaire à soutenir le poids de cette époque. Romeo Castellucci