JOE BOUSQUET
mercredi 7 octobre 2009
par Administrateur- tiphaine

JOE BOUSQUET

Joe Bousquet, étendu dans la chambre de Carcassonne, ne rêve pas sa vie. Il la contemple. Il devine, il « prophétise » ce qui s’est passé. Ce qui s’est passé doit avoir un sens, sous peine de n’être rien. Or, ce qui s’est passé est. Ce sens soudainement conféré à ce qui fut est dicté par ce qui viendra. Cette démarche est probablement difficile à comprendre, soit ! - mais c’est elle que l’homme immobile prend en charge et assume : il hérite d’un sens et d’une destinée si convaincants et irrécusables que la déraison qui s’y trouve se modifie et se métamorphose en raison souveraine : la blessure de Joe Bousquet nous figure et nous dépeint. Nous assumerons ce qu’il assume - sous peine de perdre notre âme. Le temps ignore les ruptures du passé et du futur : La chambre où je grandis Dans mon cœur était enclose... Il faut comprendre Bousquet : pour lui, le monde qu’il regarde est tout aussi bien le monde qui le regarde Tout ce que nous fûmes Est mort sans nous voir... Ceci doit s’entendre dans le rapport que Joe Bousquet entretient avec le visible : un rapport de la sensibilité, certes ! un rapport aigu, tremblant de fièvre, mais tout aussi bien : un rapport médiatisé. Privé de corps, Bousquet n’est plus que mots. Dispersé dans son absence, le corps de Bousquet est épars dans les cahiers multiples qu’il désordonne autour de lui. Il écrit à la façon de l’orage, sans savoir où il frappe. L’écriture- Bousquet est un lieu déchiqueté

Poésie : Joe Bousquet

AUMÔNE DU NOIR

Un homme est mort et ce n’était pas toi fuis la pensée qu’on t’a conçu là bête noire de tes pensées où tu seras debout l’espace ne sera plus

A voix d’enfant au bord de tous les chemins tu te diras que tu marchais et la chanson viendra d’un autre son sourire fera sa lumière avec ce qui mourrait de revoir le jour

La fin du jour et le miroir que dans la douve elle a jeté et cette eau morte amie du vent comme une nuit qui porte des fers et cette morte et cette faux dans toute l’ombre où tout le noir va s’élever d’une lueur

Tout ce qui pleure avec le noir d’un fou qui pleure sur ses jours

Il a tout ce qu’il voit quand il ferme les yeux Où qu’on le laisse si c’est pour toujours il a son cœur partout conserve à l’invisible un monde in-apparent

Donne-nous le bonheur donne-nous ce qui fait mépriser le bonheur et ce que tu n’as pas donne-Je-nous et même le bonheur toi le seul que la mort surprenne en train de naître

Poésie : Joe Bousquet

L’UNE

Longtemps on l’aura prise pour une autre Celle dont la parole sera pure invention étant la vie même Elle entrera par son corps dans la douceur de contenir l’univers entier et sans que le temps s’éveille sans que l’espace frémisse Une femme la folle de sa voix qui sera la lampe de tous les ruisseaux Depuis longtemps ils auraient dû annoncer sa venue mais leur parole n’avait fait le tour que de leur voix de leurs yeux et la terre évoluait dans l’espace enveloppée d’un vent auquel le langage des hommes n’était pas intérieur

Je la regarde avec toute ma chair à chaque instant. Mes regards la chassaient de mon amour mes yeux de sel l’avaient ôtée de devant moi Ombrine la reine et l’ennemie de la musique Une belle en velours dont mes soupirs me séparent Et la sœur de la mort qui me viendra de moi