MANIFESTE DE GILLES CLÉMENT
(Chacune des phrases qui suit peut être envisagée sur le mode interrogatif
. Instruire l’esprit du non
faire comme on instruit celui du faire.
. Élever l’indécision à hauteur politique. La mettre en balance avec le pouvoir.
. Imaginer le projet comme un espace comprenant des réserves et des questions posées.
. Considérer le non - aménagement comme un principe vital par lequel tout aménagement se voit traversé des éclairs de la vie.
. Approcher la diversité avec étonnement.
Sur l’étendue . Considérer l’accroissement des espaces de Tiers paysage issus de l’aménagement comme le contre -point nécessaire à l’aménagement proprement dit. . Privilégier la création d’espaces de Tiers paysage de grande dimension afin de couvrir l’étendue des espaces capables d’y vivre et de s’y reproduire. . Prévoir le couplage des délaissés aux réserves pour constituer des territoires de continuité biologique.
Sur le caractère . Regarder le brassage planétaire - mécanique inhérente au Tiers paysage - comme un moteur de l’évolution. . Enseigner les moteurs de l’évolution comme on enseigne les langues, les sciences, les arts. . Instruire l’usager des précautions nécessaires à la manipulation et à l’exploitation des êtres dont il dépend. La fragilité du système tient à la nature des pratiques et du nombre.
Sur le statut . Envisager la dimension planétaire. . Protéger la dérèglementation morale, sociale et politique du Tiers paysage. . Présenter le Tiers paysage, fragment in-décidé du Jardin planétaire, non comme un bien patrimonial, mais comme un espace commun du futur.
Sur les enjeux . Maintenir ou augmenter la diversité par une pratique consentie du non - aménagement. . Engager un processus de requalification des substrats autorisant la vie - air, sol, eau - en modifiant les pratiques périphériques aux espaces de Tiers paysage afin de ne pas en altérer la dynamique et pour en espérer l’influence. . Établir une politique territoriale visant à ne pas diminuer les portions existantes de Tiers paysage et même à les augmenter.
Sur la mobilité et l’évolution . Favoriser les dynamiques d’échange entre les milieux anthropisés et le Tiers paysage. . Orienter le jeu des échanges fonciers, des réaffectations et des dispositifs de liaisons entre les différents niveaux d’activité. Dessiner un maillage du territoire large et perméable. . Créer autant de portes que nécessaire à la communication entre eux.
Sur l’échelle . Mettre à disposition les outils nécessaires à l’appréhension du Tiers paysage. . Rendre accessible les images satellites, les images microscopiques. . Favoriser la reconnaissance à l’échelle habituelle du regard. Apprendre à nommer les êtres.
Sur la représentation et les limites . Considérer les limites comme une épaisseur et non comme un trait. . Envisager la marge comme un territoire d’investigation des richesses à la rencontre de milieux différents. . Tenter l’imprécision et la profondeur comme mode de représentation du Tiers paysage.
Sur le rapport au temps . Effacer les échéances administratives, politiques, gestionnaires du territoire. . Ne pas attendre : constater au jour le jour. . Offrir au Tiers paysage la possibilité de se déployer selon un processus évolutif inconstant, par la ré-interprétation quotidienne des conditions changeantes du milieu
Sur le rapport à la société . Hisser l’improductivité à hauteur de politique. . Valoriser la croissance et le développement biologiques par opposition à la croissance et au développement économiques. . Ménager les sites frappés de croyance comme indispensable territoire d’errements de l’esprit.
Sur le rapport à la culture . Inverser le regard porté sur le paysage en Occident. . Conférer au Tiers paysage le rôle matriciel d’un paysage global en devenir. . Déclarer le territoire du Tiers paysage lieu privilégié de l’intelligence biologique : aptitude à se réinventer constamment. . Confronter l’hypothèse aux autres cultures planétaires, en particulier celles dont les fondements reposent sur un lien fusionnel entre l’homme et la nature.