MANIFESTE
SERPAN SIGNES NOIRS A LA GALERIE STADLER
mercredi 1er juillet 2009
par Administrateur- tiphaine
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On le sait : la jeunesse a toujours raison pourvu qu’en prise directe sur le présent, elle mise sur l’avenir. Le présent pour elle ? Nul doute : comme les hypostases du bon Dieu, il est multiple en une seule actualité et se nomme pop-made-in-U. S. A., op quasi-quadragénaire et toutes les modalités néo-réalistes. Qu’on le veuille ou non, ces tendances sont et, comme telles, représentent les points d’irritation de la vie artistique actuelle. Pour un jeune peintre donc, elles constituent l’alphabet et la table de Pythagore sur quoi asseoir les prémices de son oeuvre. A lui, par la suite, s’il en a l’étoffe, de passer outre. Que, jusqu’à ce jour, ce passage-outre n’ait guère été entrepris ne change rien à l’affaire. Reste maintenant la question, plus délicate, des non-jeunes et des moins-jeunes, artistes arrivant avec leur acquis dans une époque qui n’en fait plus sa pâture. En bonne logique binaire, abusive et commode, il n’y a pas l’embarras du choix : la palinodie ou la persistance. La palinodie : c’est le lot, gaiement accepté, de tant de girouettes, hier tachistes (en vertu d’une « profonde nécessité intérieure »), aujour¬d’hui réalpopop (en vertu d’une « profonde néces¬sité intérieure »), demain autre chose (en vertu d’une « profonde nécessité intérieure »). L’oppor¬tunisme a toujours fait chanter les harpes éoliennes. Erreur grossière cependant : à vouloir coûte que coûte être d’aujourd’hui ou de demain, on se voue à n’être rien : suiveur ou plagiaire. L’alternative est en effet brutale : il faut appartenir à la pha¬lange des pionniers ou se taire. Là encore, la commode et simpliste dichotomie binaire montre que persister mène à deux attitudes : ou l’exploitation d’un acquis devenu recette de production, ou développement inlassable de ce même acquis préliminaire. Parce que des modes de sensibilité inusuels sont apparus et que des langages plus ou moins nouveaux ont pris corps, l’artiste arrivé à mi-chemin de sa vie doit-il, pour autant, renier son propre champ de recherches alors que celui-ci, bien qu’exploré par lui depuis quelques années, n’a pas encore livré tous ses secrets ? Qu’on me permette de reproduire ici la réponse que j’ai donnée à une enquête sur la musique sérielle « le critère d’antériorité, y disais-je, a de tous temps paru décisif : on acceptera en 1965 un Messiaen bien qu’il pro¬longe, mais en toute logique vis-à-vis de lui-même, l’exploration d’un univers sonore ébauché il y a plusieurs décennies ; on bannirait tout jeune musicien qui, en 1965, entrerait dans la carrière en prenant appui sur ce même univers. Ou encore, qui songerait à discuter le « Jugement dernier » sous prétexte que, dû à une main sexagénaire, il a été peint à une époque où tout jeune artiste eût été considéré comme rétrograde s’il avait fait sienne, alors, l’esthétique de Michel-Ange ? La question est compliquée. Il n’y a pas lieu de l’aborder ici ».

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L’ensemble de toiles que la Galerie Stadler me fait l’honneur de proposer à l’attention des ama¬teurs d’art permettra à ces derniers de suivre jusqu’à nos jours l’évolution d’un langage ébau¬ché dès 1947-1948. A la période qualifiable de pré informelle », où l’accent était mis principalement sur des problèmes d’espace, succède - aux environs de 1952-1955 - une période d’invention d’ensembles de signes auxquels le jeu simultané de la sensibilité et de l’effort conscient devait donner qualité de structures et de formes ouvertes. Employées sans doute pour la première fois dans la peinture moderne, du moins de manière concertée et réfléchie, ces notions, banalisées et quelque peu dévalorisées depuis, donnaient lieu, alors, à bien des confusions et bien des malen¬tendus du fait de leur appartenance ou de leur origine mathématique. Répéterai-je donc que l’apport des sciences n’est et n’a jamais été pour moi autre chose qu’une trame notionnelle, qu’un schème directeur, selon lesquels articuler ma démarche de peintre ? Le contresens, lorsqu’il a été fait, a été d’en déduire la mise en tutelle de la peinture au profit du savoir scientifique. Celui-ci, à mon sens, ne saurait tout au plus que faciliter la compréhension a posteriori de ce qui a été peint ou suggérer a priori les voies possibles pour ce qui sera peint. Après coup ou avant coup donc, jamais lors du coup, quand règnent le tempérament, le caractère, l’informulé et toutes ces constellations, difficiles à cerner jusqu’à nouvel ordre, qui concourent à élaborer la personnalité du peintre en tant qu’homme agissant. Il ne m’appartient pas de dire s’il s’agit là d’attitude tachiste, informelle, lyrique¬ment abstraite ou autrement étiquettable.

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Quant aux toiles récentes, réalisées après un silence de plus de deux années (dont je suis l’exclusif responsable), il est loisible d’y voir les développements de diverses situations antérieures insuffisamment explorées ou non encore abordées : zones froides, réduites le plus souvent au noir ¬et blanc et d’où se trouvent bannis, autant que se peut, lyrisme, humanité et chaleur d’expression, zones chaudes qu’anime l’interdépendance des couleurs et des formes construites dont surgissent des « propositions de paysages où l’oeil et ce qu’il y a derrière sont invités à errer, peut-être à se perdre.

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SERPAN 1967