EXPRESSION D’ARTISTE
EUGENIO BARBIERI
MUTABLES
lundi 22 septembre 2008

EXPRESSION D’ARTISTE

EUGENIO BARBIERI

MUTABLES

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Galerie Stadler : 1974

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Caoutchouc d’invitation - Galerie Stadler - 1974

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"De fleur de chair à la révolte de Giunone" 1972-73. 238x95x60

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EUGENIO BARBIER ! : Le dictionnaire du mime.

Eugenio Barbieri est un artiste hors-série, hors-mesure, hors-étiquette. Comme tous les artistes qui ont lié leur destin aux possibilités expressives d’une seule matière, il persévère dans son être, dans sa voie marginale, exclusive, exigeante.

La matière d’élection de Barbieri est le caoutchouc, qu’il utilise depuis des années avec une fidélité sans faille (s’il lui arrive de se servir du tissu plastique mou, c’est en raison d’analogies spécifiques évidentes avec le caoutchouc). Il en connaît parfaitement le registre expressif, à la manière d’un tailleur qui serait styliste, scénographe, metteur en scène, sculpteur. La flexibilité du matériau se prête particulièrement à la découpe et plus encore à la métamorphose continue de l’image. Taillée dans le caoutchouc, accrochée à des fils comme des marionnettes, animée mécaniquement l’image de Barbieri est toujours changeante. Aguichante, elle provoque l’intervention du spectateur qui la libère de son inertie. Au repos molle et tassée, elle semble "abstraite". Quand cet étrange pantin s’anime son langage anthropomorphique s’enrichit d’une gamme infinie d’évocations figuratives. C’est ce processus essentiel des "mutables" que Barbieri a synthétisé dans une formule significative : "un carré devient homme" (un quadrato diventa uomo), qui a servi de titre à sa dernière exposition en novembre 1973 à la Galleria Vismara de Milan.

Ce théâtre continu de formes nous fascine par ses innombrables références symboliques : l’artiste est d’ailleurs tout aussi fasciné que nous et cette naïveté ingénue, amour profond de la vie de la matière, est sans doute la dimension authentique de la démarche de Barbieri. C’est là que nous devons trouver la clé de son perpétuel renouveau, de ce regard toujours neuf jeté comme par hasard sur le monde de nos gestes, de nos mimiques, de nos réflexes. Au moment où tant d’artistes considèrent leur corps comme l’objet, la fin en soi de leur art, le moyen -nécessaire et suffisant- de leur langage, Eugenio Barbieri apparaît comme l’archiviste du body-art. Les mouvements désossés de ses caoutchoucs constituent un musée permanent des attitudes corporelles , le dictionnaire du mime.

Derrière la côté purement formel de l’attitude transparaît tout l’univers psychologique des motivations sous-jacentes : le mouvement devient geste, le geste image, l’image symbole. C’est l’immanence de ce cheminement que Barbieri a voulu traduire dans le titre qu’il a donné à son exposition parisienne de la galerie Stadler (février 1974) : du zéro à l’infini. La progression illimitée des associations visuelles est incarnée par les deux positions extrêmes de la chambre à air d’un pneu d’automobile. Gonflé, l’objet circulaire figure le zéro. Dégonflé et plié en forme de huit renversé il figure le signe mathématique de l’infini. A partir du modèle courant de la chambre à air de la 2 CV Citroën, Barbieri vient de réaliser à Paris un multiple "Michelin" qui incarne parfaitement la véritable envergure de sa recherche de langage.

Derrière la simplicité du langage se profile l’immensité de la vie. C’est cette sensation directe et définitive que j’éprouve au contact des "mutables" de Barbieri et de leurs manipulations. C’est aussi le sentiment qu’éprouve le spectateur-acteur de la métamorphose permanente proposée par l’artiste. Il déplace un coin de caoutchouc, il appuie sur un bouton : le jeu, à son insu devient mystère et le miracle de la communication se produit ; il entre à son tour dans le répertoire infini du corps humain, il participe à l’immémoriale épopée du geste.

Barbieri, infatigable voyageur, est une sorte de pont suspendu entre la France et l’Italie. S’il est largement plus connu à Paris que dans son pays natal, c’est sans doute parce qu’il a eu l’occasion de s’y manifester plus souvent. On peut aimer ou ne pas aimer les "mutables" de Barbieri mais quand on les a vu fonctionner, on ne les oublie plus. Leur mimique animée nous rappelle trop de choses, au plus profond de nous-mêmes. C’est la même humanité fondamentale des "mutables" que nous allons chercher au cirque, au cinéma, dans les bandes dessinées. Nous nous retrouvons entièrement dans cette gestualité dont la marque -celle aujourd’hui, d’un Chaplin ou d’un Marceau- a rendu immortels les grands mimes de tous les temps.

Pierre RESTANY. Milan, janvier 1974

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Mutable "La demoiselle, la Dame et le garçon d’Avignon" 1971 - 185x198x10

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Mutable à moteur programmé "une autrefois sera tableau"

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"De la fleurs de mars à ..." donnez leur le 4ième coté

1973 - 192x296x60

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EUGENIO BARBIERI

Né en 1927 à Forli (Italie).

Expositions personnelles à la galerie Stadler : 1971 - 1974 - 1979.

« Le Monde », 12 mai 1971

Parallèlement à ses recherches de modification du tableau à l’aide d’éclairages et de moteurs, qui l’ont mené à la transformation d’images réalistes en images abstraites, puis de figures géométriques en une figuration tragique, Eugenio Barbieri aboutissait, en 1966, à ces sculptures automatiques, ces “mutables” conçus dans des matériaux pauvres, lambeaux de vieilles chambres à air, gants de caoutchouc, tampons à récurer, rubans de matière synthétique de cou leur, rivetés suspendus dans l’espace par des fils reliés à un moteur, matériau pauvre s’il en est, qui s’anime lorsqu’on déclenche le mécanisme, devient enveloppe charnelle, passe de l’informe à la forme, du néant à la vie pour à nouveau s’anéantir. Ce qui n’est d’abord que nuage

GENEVIEVE BRÊERETTE

Nous remercions Rodolphe Stadler pour le prèt des documents de cet article.