Art Vidéo
Sébastien Roche, Michel Coste
A propos de ce que l’on a appelé l’art vidéo
vendredi 3 février 2006
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A propos de ce que l’on a appelé l’art vidéo

Je vais passer, après les propos qui suivent, pour un réactionnaire de la pire espèce mais je prends le risque, ceux qui me connaissent rectifieront.

L’art vidéo au début a pris pour cible la télévision mais à l’heure actuelle elle se prend elle même pour cible et elle se parodie avec infiniment plus de moyens . Donc de ce côté là plus rien à faire.

L’art vidéo a emprunté tout le langage et le vocabulaire du cinéma expérimental, certains dirons qu’il a été pillé. Ce type de production tourne sur elle-même en se mordant la queue car le seul support qu’il lui reste est le texte.

L’art vidéo a utilisé la piste ouverte par l’art contemporain en général qui fait que ce qui est intéressant à montrer c’est la banalité, c’est si facile que de jeunes sortant je ne sais de quelles écoles (mais je m’en doute) s’y sont engouffrés à grand renfort de soutien des « institutions ».Les productions issues de ce « travers » sont d’une affligeante tristesse et nullité.

L’art vidéo a utilisé les progrès des techniques électroniques pour en mettre plein la vue à des générations de drogués du jeu vidéo et des films du même tonneau, mais les réalisations qui en sont issues sont dénuées de tous sens et sentiments et avec des prétentions intellectuelles qui ne dépassent jamais le niveau de la cour d’école.

L’art vidéo s’est trouvé une autre forme qu’est l’installation mais que voyons nous aujourd’hui qu’autre chose que de simples bandes projetées sur des murs blancs.

Il me semble pourtant qu’il y a maintenant presque 20 ans à travers certains festivals, que certains d’entre nous ont contribué à la création, nous avons pu entrevoir la perspective d’un nouvel art, avec ses codes, ses courants, ses modes de pensée et ces réflexions sur l’image et ces combats.

Cette poésie électronique (comme dit Marc Mercier) s’est complètement diluée dans l’indifférence et maintenant dans l’incompréhension il suffit de voir les fréquentations des lieux de diffusion et l’intérêt très fluctuant des étudiants à qui j’essaye de donner un peu de cet enthousiasme qui nous animait tous.

Ce n’était donc (probablement) qu’une simple affaire de génération.

Je crois que le malaise est plus grave, il s’agit de l’abandon par cette génération de tout risque de n’être pas correct (politiquement, culturellement, philosophiquement, ...)

Leur principale recherche c’est celle de la facilité (plus de prise de tête) de la conformité (plus de curiosité), un attentisme béat de ce qui arrive d’ailleurs ou d’une autre époque, leur passion de la réalité, de l’instant et un rejet de tout ce qui peut mettre tout ça en perspective intemporelle et universelle, ce qui est le propre de l’art.

Donc, pour cette génération l’art doit être éphémère, bruyant, rutilant, et en mettre plein la vue (trop fort !).

Même si tout ça peut passer pour une caricature (et des exemples en témoignent) il n’en reste pas moins que c’est ce que je constate tous les jours.

Qu’avions-nous alors de plus ou de différent pour que dans les années 80 l’apparition des premières caméras vidéo que l’on pouvait se payer, de quels univers étions-nous (photographes, cinéastes, musiciens, poètes...). Nous nous sommes sentis transportés par cet outil de création au point de croire qu’il pourrait être porteur d’une certaine idée de l’art.

A quoi servent actuellement les festivals vidéo sinon de support de diffusion pour des créations sans saveur, sans réelle recherche, sans prise de risque et convenues, pour plaire à qui ?pour intéresser qui ?, pour déranger qui ?, pour émouvoir qui ?, pour dénoncer quoi ... ?

Pour ma part je n’ai jamais travaillé dans l’art vidéo pour faire fortune ou pour devenir célèbre, mais pour vivre de cet art et j’y arrive et cela grâce au spectacles vivants auxquels je participe et qui pour moi est devenu le meilleur, et je pense le seul qui reste, domaine d’expression et de diffusion de cette forme car on y touche un public plus large et moins tordu que celui des galeries.

On aurait tendance à croire que depuis toujours quand l’homme avait besoin d’une aide pour accomplir une tâche il inventait un outil pour la satisfaire.

C’est ce que l’on nous a dit jusqu’à présent, mais essayons d’imaginer une autre démarche.

Et si c’était le hasard et non la nécessité qui réglait et gérait tout cela !

La force de l’homme serait donc la capacité d’adapter à un élément découvert par hasard dans un contexte différent des propriétés nouvelles pouvant l’aider à accomplir un travail qui lui était difficile ou impossible à réaliser auparavant.

Au fil des siècles les éléments à découvrir ont évolué vers de plus en plus de technicité (cf. le film 2001 odyssée de l’espace ) mais le processus est resté le même.

C’est le même outil qui permet d’enfoncer un clou, tordre le métal, taper sur le burin d’un sculpteur et assommer quelqu’un ; son utilisation donne dans chaque cas un résultat différent dû à la décision, l’habileté et la volonté de celui qui le manipule.

L’ordinateur fait partie de cette catégorie, il a été mis au point au début pour résoudre des problèmes et des calculs trop longs et trop compliqués pour une vie humaine, puis petit a petit il a été perfectionné pour aider à l’accomplissement d’autres tâches.

Cet outil technique n’a pas été pensé pour une utilisation artistique, il a été « détourné » par la mise au point de logiciels spécifiques pour le traitement de l’image et du son.

Les logiciels en question sont créés pour des travaux de retouche ou de traitement des images, ils ont une utilité dans les métiers liés à la communication et à l’impression.

La palette de leurs outils est conçue en autre pour obtenir des effets sur un rendu pour que les images aient des aspects du style de tel peintre ou de telle vieille photo.

Cet ordinateur, pour qu’il devienne réellement un outil de création et non de reproduction, a besoin d’être une nouvelle fois détourné.

Il faut en trouver la spécificité qui fera dire au « spectateur » que ce n’est pas de la peinture ni de la photographie ni du dessin ni de la gravure ... mais une « matière » différente de tout cela.

C’est le travail que j’essaye de faire depuis plusieurs années, il consiste surtout à combiner plusieurs filtres dans une utilisation détournée de celle pour laquelle ils étaient prévus.

La matière première reste l’image qui est issue soit d’une photo numérique, soit extraite d’un film vidéo, soit une ancienne photo scannée et, à partir de cela, par des séries de superpositions et d’incrustations, j’arrive à obtenir un résultat dans lequel la réalité brute de départ a fait place à des empreintes de réel qui incitent à l’imagination.

Michel Coste septembre 2005

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