Poésie
Chants d’Aluminium
Philippe Guénin
lundi 20 novembre 2006
Quatre voix complotent, gémissent ou exultent dans cette tragédie d’une naissance déjà morte que sont les Chants d’Aluminium. La plus révélatrice est celle de JUAN DE LA CRUZ, personnage mystique. Philippe Guénin, jeune écrivain violent et intransigeant, tente ainsi d’expulser un désir d’absolu. Jean de la Croix est donc au cœur d’un texte de chair qui détaille trop les supplices de la jouissance pour ne pas aspirer à la pureté noire. ALEPH (androgyne) et ZED (psychopathe) s’interpellent, hagards, confondent leurs chants, échangent leurs voix, tout au long d’une liturgie du sexe, frénétique et désespérée. Le RECITANT dit - ou rêve - le drame.(...)

Poésie

Chants d’Aluminium Philippe Guénin

ORATORIO POUR UN DÉSIR MORT

Quatre voix complotent, gémissent ou exultent dans cette tragédie d’une naissance déjà morte que sont les Chants d’Aluminium. La plus révélatrice est celle de JUAN DE LA CRUZ, personnage mystique. Philippe Guénin, jeune écrivain violent et intransigeant, tente ainsi d’expulser un désir d’absolu. Jean de la Croix est donc au cœur d’un texte de

Hugo Marsan - Editions Digraphe

PHILIPPE GUENIN : Les chants d’aluminium

Zed voir le bétail d’ombres à minuit lové sur le plâtras sale au bas de la route le reflet des phares dans les vitrines brisées à l’angle écailles de lumière semées au sol nos pas dans la nuit qui vient de la mer désapé sur la couche d’asphalte Saïd le frère de travail ’Aleph doigts de lune dans les caniveaux la nuit le temps remontent dans nos veines seul le frère de travail d’Aleph la marocaine demeure vautrée là endormie sur la couche d’asphalte tu n’entends plus que le bruit des pas s’imprimer dans ton silence d’embryon d’or les jambes raides lourdes très longues bas résilles tachetés les secondes tombent goutte à goutte dans la plaie fraîche du crâne rasé par la fausse flicaille tu vas glissant dans ce fond tombal qu’ils t’ont ouvert de force rompre une tige de sommeil pour la greffer à un autre rêve qui t’éloigne à perte de vue cette crique déserte noirs tes yeux et des éclats de chair bandés nus entre leurs bras tatouages profonds des cuteurs colliers de chiens laminés colin-maillard sado maso frère à tes côtés Aleph avale de l’air frais soupire de toute sa poitrine à la surface de l’eau goudron née décolle ses paupières violacées scrute l’aiguille incandescente d’un avion à réaction qui passe au fond du ciel tu vois que j’en ai marre de vos deux gueules de conne personne t’entends avait le droit de sortir ici en banlieue du port cette nuit

Zed le cri des mouettes à l’aube en premier jet de lumière violette des serpents de brume ressortent lentement du coude de la rivière qui part du port des égouts des fissures des alphabets d’ordures mélangés des manteaux d’astres défaits exhalent des lignes de brume qui passent entre les capots des voitures touchent une à une les trav’los assises dessus fouillent leurs jupons et r’font craquer leur bas le fard d’or des paupières coule au coin des yeux de l’aube affalée grandie glacée tes garçonnes reboutonnent leurs robes de soie crayeuse sur les seins contre l’heure bleue de la nuit éparse leurs yeux de lunes déchirées et toi Jean-Marie pourquoi tu passes comme ça tête basse souviens-toi du mac qui t’a donné un croquis de torse d’homme plongé au fond’ton sac d’écaille le croquis s’est achevé tout seul l’homme s’est replié ensuite sur lui-même ses muscles ont fondu il gît maintenant l’homme au cœur d’une cathédrale effondrée ouais je sais j’t’emmerde à cette heure- là raide d’mes délires de soûlard cassé avec Aleph beau relève- moi de ton fumier d’or entends passer ces bottes de flics qui claquent le pavé rue blanche sont tous en chasse casqué gitane trituré aux lèvres poils durs coupés aux joues lève-toi de suite tu les vois s’approcher en survêtement moulant les couilles lourdes et pleines entre les serpents de brume déambulés au coin des rues fous l’camp Aleph