Pages et images
EXPOSITION DU 31 MAI AU 9 JUIN 2007
VERNISSAGE JEUDI 31 MAI APARTIRDE 18H30
AVEC DES LECTURES PAR
KATIA MEDICI & MARTINE GUILLAUD
ADONIS
Elle a dit :
Je ne comprends pas ton errance
Deviendras-tu noyau, racine si jamais tu t ’éparpillais
Dans des millions de feuilles ?
Imiteras-tu la nature ?
Si Adonis s’adonne aussi à la peinture, ce n’est pas pour
imiter la nature ; ses dessins et collages sont de pures vues de l’esprit. Une
fine écriture en trame de fond noircit le papier, alors que se détachent
des taches indépendantes, formes peintes ou tissu collé, avec
l’ironie parfois de quelques objets épars s’égarant dans cette
construction. Nulle symbolique, plutôt la couleur soudain violente contre
l’aplat de l’écrit
Jours - chapeaux de paille
S ’envolant au-dessus
Du temps(/..)
L’image écrite, l’ image peinte, - toutes deux confondues...
TAHAR BEN JELLOUN
Tout tragique disparaît dans les dessins de Tahar Ben Jelloun. Aussi
bien dans ses fines constructions géométriques et très
colorées, que dans ses dessins au trait qui sont une sorte d’errance
ironique qu’un détail pourrait rendre presque comique. Un petit bonhomme
à vélo, b série de personnages qui diffèrent juste
par un infime détail Tahar semble s’amuser. Ce que l’on relient, c’est
celle gaîté immédiate, ce geste léger avec lequel
il nous interpelle. Tahar semble-t-il peint juste quand il attend le silence
ou bien quand il entend l’écho du poème balbutié. Poème
que l’on retrouve éclaté de mille traits lorsqu’il abandonne quelque
syllabe en suspens ou bien lorsqu’il " lit dans son coeur l’humanité
captive de son souffle ".
MICHEL BUTOR
[ Le difficile dans ces recherches, c’est de savoir quand s’arrêter. On voudrait ajouter une autre couche, puis une autre encore. ll est vrai qu’en général le résultat est amélioré ; c’est comme un pré qui se met à fleurit Mais part bis on arrive à des cafouillages qui sont des impasses, car il est impossible de revenir en arrière. II faudrait en faire beaucoup plus, expérimenter, jeter à la corbeille b plupart de ces essais, ne retenir que ce qui semble à peu près réussi [ C’est une vie que b peinture, même la plus modeste. E...] Pour pouvoir laisser suffisamment libre cours à l’ de la main, je préfère signer tout à l’avance avec un crayon.
LAURE FARDOULIS
Quand j’écris, j’ai l’impression de creuser un vide derrière moi, "d’assainir " en quelque sorte le passé, de le ranger pour en être libérée, de l’encercler pour que les repères soient fixés et en harmonie avec le vrai... Ainsi en me retournant ; je ne vois que la mer, le ciel, du sable... Toute affaire humaine est alors a1 classée. Avec la peinture, comme dirait Hubert Haddad, c’est l’avenir qui s’ouvre, le tremblement miraculeux de l’avenir, l’avant, le devant-nous qui d’ailleurs recule au fur et à mesure que nous tentons de le saisir. Dans ce cheminement, cette approche du BEAU - même si le nominer est une gageure - demeure malgré tout pour moi la finalité recherchée. Un Hockney translucide, un Hopper poétique, un Bacon viscontien, un Spilliaert enténébré, tous relèvent d’une "beauté convulsive " à damner toute réalité,
PHILIPPE GUENIN
" La vision importe plus que la réalisation " (Sol Lewitt).
Peindre avant de peindre s’extraire,
tourner le dos au verbal voir-rêver derrière les paupières
closes,
dans un fond béant ; voir-rêver l’horizon d’oraison.
Une série dont quelques pièces sont exposées pour Pages/images
porte ce litre : "Horizon d’Oraison ".
HUBERT HADDAD
Il y a d’abord le jeu ouvert à perte de sens, l’enfance de l’ait : les
couleurs et les mots ne s’inscrivent pas encore dans une mémoire esthétique,
ils se mêlent au désir du jeu obscurément(...)
L’art surgit plus tard d’un gouffre intime où des gamins croyaient se
recréer dans l’effroi des signes.
L’art est un geste de miraculés dont reste parfois la trace an bord
du silence. Après la mort du frère, longtemps après, je
me suis remis au dessin et à l’huile, pour renouer le dialogue des origines,
pour mesurer nia solitude aussi(...)
L’art sauve à tout instant la réalité de la répétition
aveugle.(...) Peindre corps et âme serait un sabordage salutaire, le
prélude lumineux au sommeil. J’imagine bien aujourd’hui cesser d’écrire
pour laisser entière la vitalité picturale, comme on s’abandonne
à l’hémorragie. Mais l’essentiel est en avant, dans le tremblement
miraculeux de l’avenir, cette vacante utopie qui exige un constant effort de
remembrance. Une vie accomplie la face dans les signes évoquerait assez
la blanche iasomnie du harfang dans la nuit hibernante.
(. ) Tout â chaque instant est à réinventer - Serait-ce disparaître au veut calme.
LUIS MIZON
Je ne me suis jamais arrêté de pratiquer la chasse aux "
bonnes taches".
Elles arrivent comme le Commandeur ou les coups du néant sur les tables
tournantes des médiums.
L’expérience m’a démontré qu’il existe des taches poétiques,
religieuses, chargées de vie, et d’autres triviales, rhétoriques
et je ne saurais pas expliquer pourquoi.
Je sais aussi, de manière intuitive, que les taches identifiables, celles
qui ressemblent à quelque chose ne sont pas de bonnes taches. Que les
taches faites par des fous ne sont pas non plus de bonnes taches, car en elles
transparaît la maladie.
La bonne tache est étrange comme les miniatures médiévales, elle dégage une énergie propre change l’espace qui la supporte et ouvre un passage inespéré.
BERNARD NOEL
Longtemps, j’ai eu deux certitudes, toutes deux négatives : l’une était que je n’écrirais jamais pour le théâtre, l’autre que je ne ferais jamais rien de visuel. J’ai perdu presque à la fois mes seules certitudes : l’une en écrivant par amitié des textes à mettre en scène, l’autre en bricolant des choses d’encre et d’eau qui ressemblaient à des suaires ayant arraché des visages. Mais depuis des années plus de ressemblance, sauf minuscule, lien que des traits, des boucles, des noeuds, des tresses, des brins d’encre qui ne disent que la dépense gratuite et insensée de mon temps.
ZOE VALDÉS
Observer La jungle de Wifredo Lam m’introduit dans l’univers profond et fondateur
de la nation cubaine, aux racines du métissage, du noir, du mulâtre,
du chinois, de l’espagnol, sans faire appel aux méandres de l’histoire.
(...)De là je saute vers Kandinsky, vers Pollock le Caravage, le
surréalisme réfléchi, narratif et autobiographique de Remedios
de Varo. A tout moment, par un couloir inespéré de son oeuvre,
je m’introduis dans la foret nocturne de Matta, dans son tissu d’écritures
cerné de jaunes d’oeuf et de morceaux de piment rouge.
(...)se fit le plus divin silence autour de la rumeur minuscule d’une tache.
(...)Je me cramponne à une image qui voyage, comme un cadavre exquis, d’un désir à l’autre et qui dans son cheminement m’introduit dans une autre image, selon l’ordre dicté par le sens.