Cabinet de curiosité
Jean-Claude Aubry
Poèmes en queue de cerise (la suite).
jeudi 15 mars 2007








 


L’avenir de l’enfant


Notre fils est trop paresseux

Voleur, menteur, bon à rien,

Qu’allons-nous en faire Adrien ?

Ne t’inquiète pas mon Elise

Il a son avenir en main

Et a les qualités requises

Pour faire un bon politicien.


Justice


Récemment, Dieu se vit proposer par Saint Pierre

Une nouvelle loi

Qui ne manquerait pas

D’emmerder tous les milliardaires,

Ces rapaces, ces sangsues qui aiment

Beaucoup trop leur galette pour en faire profiter

Les petits vieux frileux, les prolos exploités.

Il suffirait, dit-il à notre divin père

Que vous leur permettiez d’emporter leur pognon,

Leur or, leur argent, leurs titres, leurs actions

Avec eux, dans leur bière.

Chaque centime leur vaudrait

Un siècle ou deux chez Lucifer.



Propos amoureux tenus par ...


Un médecin :

Quand je vous aperçois, ma tension s’emballe,

Je ressens un frisson dans l’épine dorsale

Mes neurones se bloquent, mon cœur part en cavale

Mon taux d’adrénaline monte à la verticale

Un technicien :

Mes rouages qui d’ordinaire

Sont huilés à la perfection,

Prennent du jeu et sans raison

Se mettent à tourner à l’envers

Quand j’aperçois votre châssis

Débouler dans mon univers.

Un paysan :

Cré vingt Gu, la Marie !

C’est-y pas Dieu permis  !

Quand j’te vois, j’en oublie de tirer ma piquette

Ou d’aller à l’étable pour traire la Blanchette.

J’en deviens tout bazu quand j ’vois tes mamelons

Qui dressent sous ta blouse

Et j ’reste piqué là, dans la cour, comme un con,

Les deux pieds dans la bouse !

Un ecclésiastique  :

Ta seule vue, chère enfant,

Fait jaillir sous ma robe des sentiments coupables

Qui grossissent à vue d’œil et je suis incapable

De tenir à deux mains cette œuvre de Satan

Et rien que de songer au démon qui l’habite,

Je m’en vais de ce pas tremper mon goupillon

Dans un verre d’eau bénite.

Un militaire :

Madelon tu es belle, comme une mitrailleuse,

Comme un char d’assaut neuf, comme un camion bâché

Tu n’es pas sans savoir, Ô, toi ! Cruelle gueuse !

Que sous cet uniforme, discrètement caché,

Sommeille le lancier le plus vaillant du monde

Qui, se gonflant d’orgueil quand il te voit passer,

Pointe aux cieux fièrement sa tête rouge et ronde

Et durcit à tel point que je ne puis pisser !




Errare humanum est


Il voyait des éléphants roses,

Des souris bleues, de serpents verts

Pour Esculape, il était clair

Qu’il s’agissait d’une cirrhose.

Il s’en fallut de peu de chose

Qu’il n’achève son pauvre patient

En le forçant à ingérer

Tout un tas de médicaments.

Un jour, le savant médecin

S’aperçut, ce fut pur hasard,

Que notre homme était daltonien.

Ayant placé sa foi dans les grands spécialistes

Ce crédule benêt

Fut soigné par un oculiste.



Divine invention


Dieu dit un jour : " les hommes veulent me ressembler,

Si je les laisse faire

Ils me prendront la terre

Puis finiront bientôt par me donner congé

Et si je veux garder la main,

Il faut que je trouve un moyen

De me garder de ce danger "

Il se mit au travail pendant mois et semaines

En ne ménageant pas plus son temps que sa peine,

Jusqu’au jour où, sorti de son vieil atelier,

Il fit vibrer les cieux en hurlant un " ça y est !

J’ai à la fin des fins trouvé la solution "

Son visage arborait un large et franc sourire,

Il venait d’inventer les cons

Qui, depuis ce temps là, prolifèrent à loisir.



Symphonie pour gueule de bois et orchestre


Deux fanfares, trois régiments

De blindés et des roulements

De tambour, des volées d’obus

Voilà ce que j ’ai sous le crâne

Quand d’aventure j ’ai trop bu.


 

Sagesse paternelle


(honteux plagiat de la fable de La Fontaine " le laboureur et ses enfants "

un malheureux smicard sentant sa mort prochaine

fit venir ses deux filles, leur parla sans témoin.

Gardez-vous, leur dit-il des jeans et des baskets,

Mettez-vous en valeur, soignez votre toilette

Raccourcissez vos jupes, échancrez vos corsages,

N’ayez plus cet allure de petits souillons sages.

Trop de femmes honnêtes se crèvent au labeur

Et triment il faut voir comme,

Croyez-moi, le travail ne nourrit pas son homme !

Le vieillard s’éteignit, laissant pour héritage

Cet ultime conseil à ses filles trop sages

Qui méditèrent après sa mort

Sur le fait qu’elles étaient assises

Sur le plus précieux des trésors.




Deux poids deux mesures


Dis, maman, si je meurs, est-ce que j ’irai au ciel ?

Mais bien sûr mon chéri,

Quelques péchés véniels

Ne t’interdiront pas l’entrée du paradis

Même après avoir pris l’argent des commissions ?

Mais bien sûr mon chéri, voyons !

Même si j ’ai subtilisé

La boite à médicaments de mémé ?

Bien sûr mon chérubin,

Elle en est morte, certes, mais c’était son destin.

Même si j ’ai crevé les pneus du voisin

Et mis un gros pétard à la queue de son chien ?

Mais bien sûr mon doux cœur,

Ce n’est pas quelques blagues qui fâchent le Seigneur !

Et même si j’ai dit hier au soir à papa

Qu’un beau monsieur venait quand il n’y était pas ?

Alors là, petit salopard, si tu as dit ça à ton père

Je te jure que tu rôtiras dans les fournaises de l’enfer !!




La vie est ainsi faite

A vingt ans, on vit l’amour fou, A quarante, on se tempère

A soixante, on donnerait tout

Pour pouvoir changer d’atmosphère.

La vie à deux n’était que fête

Au début, alors qu’aujourd’hui,

Chacun de nous tout bas se dit

" Bon Dieu ! Lâche-moi donc les baskets !! "




A la découverte de l’homme

Deux hommes de Cro-magnon fermement discutaient.

L’un désirait de l’autre qu’il troquât un mammouth

Contre je ne sais quel outil de pierre taillée

Et quelques peaux de buffle ou de renard cendré.

La discussion dura jusqu’à la nuit tombée

Et se poursuivit tard à la lueur des flammes

Le premier (le malin) dit à l’autre balourd :

" Donne-moi le mammouth, je te donne ma femme "

l’autre ayant réfléchi accepta, c’est ainsi

Que naquit ce jour là la première escroqu’rie.


Recette de cuisine

Prenez un conseilleur, ni trop fin ni trop gras

Et bardez-le alors de feuilles de " ya qu ’à "

Bourrez-lui dans le groin un " moi si j’étais vous.. "

Puis avec de la pâte de " moi à votre place "

Mastiquez tous les trous.

Deux feuilles " d’il faudrait " calées sous les aisselles

Un " croyez-moi mon cher " planté dans les narines

Un " oui mais " deux " mais si " piqués dans les oreilles

Puis ligotez le tout avec ficelle fine.

Enfin, d’un geste prompt, enfilez dans le cul

Une broche à rôtir assez longue et pointue,

Sur un grand feu de bois, tournez la manivelle.

Faites griller la bête jusqu’à calcination,

Il faudra bien deux jours pour parfaire la cuisson

Puis, sans scrupule, foutez le tout à la poubelle !