Art contemporain
Alexandra Roussopoulos
mardi 2 mai 2006

Il y a dans les toiles d’Alexandra Roussopoulos comme un souvenir d’icône. Ces grandes plages de couleurs qui se tiennent frontalement devant nous ont gardé la vive lumière de la Grèce. Et cela même dans leur abstraction ou, pour parler en termes byzantins, dans leur fonctionnement iconoclaste d’images recouvertes de peinture. Alexandra Roussopoulos commence par encoller sur sa toile des pages de "magazines" dit-elle, employant un terme qui décrit la frivolité de leur contenu (de belles images et des textes pas dérangeants qu’elle aimera plus tard voir réapparaître au verso de ses toiles). Le quadrillage qui en résulte est soumis aux formats irréguliers de ces pages et aux imprévisibles lois du hasard. Sur le fond de ses toiles se dessine donc, avec un mélange d’ordre et de désordre, un quadrillage qui ignore tout problème de composition et toute angoisse devant la toile nue. Ne demeure que le plaisir de recouvrir ces papiers encollés de couches successives de peintures, de couleurs plus exactement, puisqu’il ne s’agit que de cela : faire partager l’expérience de la couleur. Alexandra Roussopoulos ne la choisit pas pour sa beauté ou son raffinement, bien au contraire. Elle veut créer des toiles dérangeantes qui, tout à la fois, attirent et repoussent. On ne peut s’empêcher d’être attiré par la douceur de la matière, ses transparences, ses aspérités aussi - pliures du papier, éclats de la peinture, trace du travail, tel un cheveu pris dans la couleur -le spectateur circule dans la toile, du centre profond à la périphérie où les couches de peintures se font plus légères. En même temps, on peut éprouver une certaine répulsion devant des fluos agressifs ou des pastels doucereux. Alexandra Roussopoulos assume le risque d’éviter la distinction, pour se plonger davantage dans la réalité du monde contemporain. À voir ces dérisoires icônes de magazines noyées sous ces vagues de couleurs ; me revient ce que Michaël Sonnabend disait devant certaines toiles de Willem de Kooning : "il y a toujours de la splendeur qui cherche à percer derrière la vulgarité, la bêtise, les contingences de la vie." Les peintures iconoclastes d’Alexandra Roussopoulos nous révèlent cette splendeur qui perce derrière la vulgarité du quotidien.

Luc Vezin Mars 2002

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