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samedi 13 mai 2023
   
Brèves
Toc Toc Toc 15 version électronique est en ligne...
dimanche 3 février
L’édition électronique de la revue Toc Toc Toc 15 est en ligne, son thème est le rire. Bonne lecture.
Toc Toc Toc 16 est paru
vendredi 25 janvier
Le numero 16 de la revue Toc Toc Toc vient de sortir. Lire la suite.
Toc Toc Toc 15 : Le Rire ... pas si simple ....
lundi 5 novembre
Nous voila en plein dans le numéro 15 de notre revue toc toc toc. Pour le dossier du rire une classifications par ordre chronologique, s’imposé, mais quand nous sommes tombes sur la phrase de NIETZSCHE « citation...je ferait une classif des philosophes par le rire...... Donc avec cette référence en tete nous nous sommes lancés dans le RIRE.Parmi les auteurs qui ont donné mauvaise réputation au rire, et ceux qui sont centré leurs recherche philosophique autour du RIRE... et a partir de là : presque simple, sinon que les penseurs choisit sont parfois en contradiction avec leurs idées déjà très complexes, et chacun voulant être le premier a avoir découvert le contenu du rire, presque tous sous influence des anciens philosophes comme Aristote, doctrines et concepts, se chevauchent, lui-même influencé par Cicéron...il a trois livres : de l’Oratore, de L’ELOQUENCE et la Rhétorique, il existent aussi des citations, des proverbes, des lettres « apocryphes », (Hypocrates à Démocrite selon les uns , des bouts des traités, des pièces de théâtre , Aristophane génial défenseurs de la libre pensée... Un chaos, innombrable dans lequel nous nous sommes débattus, entre Démocrite, philosophe dont le rire était avant l’heure presque thérapeutique, les traités des médecins assez nombreux, Joubert, etc.. Nous qui nous sommes pas ni philosophes, ni des penseurs, et avec pour tout bagage l’enthousiasme et la curiosité, pour le Thème sacré du RIRE, arborant un discours « plus qu’impure », selon Vuarnet.. bref, des « irresponsables » Notre seul secours a été en premier lieu Descartes ,lui scientifique et savant, faisant table rase de tout, analyse, et nous fait sentir et ressentir avec son mécanicisme le sensible dans le rire : l’admiration. Dans « Les passions de l’âme » Hobbes prendra, empreintant aux anciens et a Descartes (qu’il traduira),admiration, haine, mépris, et « gloire soudaine » empreint a Quintilien, se voulant l’unique détenteur de touts les sentiments contenu dans le RIRE, Baudelaire et son RIRE satanique, le critique sévèrement,et soutien que : ses idées sont les idées de Quintilien et de Cicéron. Et puis il y a Bergson les uns aiment les autres le traitent de « barbant méticuleux ». Enfin Rabelais dans son Gargantua...nous fait rire le divin philistin, visionneur,messager pédagogique. Le fil de Nietzsche nous conduit vers les deux versants de cette expression appelé RIRE , les rhétoriques, convaincus de leurs propre sérieux et influencés par Aristote, « le rire est le propre de l’homme », mais quel est le contenu du RIRE, ? jugement sur les faiblesses humaines, mépris, orgueil, vanité ?. Non Il y a d’autres noms qui forcerons et clarifierons le RIRE ...comme plaisir, désir, bonheur...l’autre vie, la vie légère de Spinoza, a Voltaire, Deleuze, Ionesco, Arrabal, Perec, Queneau, etc.
Toc Toc Toc 15 est paru
jeudi 25 octobre
Toc Toc Toc 15 est paru, son thème est le rire. Le sommaire est en ligne.
Toc Toc Toc 15 en cours...
mercredi 10 octobre
Le numéro 15 de la revue Toc Toc Toc va paraitre, son thème Le Rire, un thème difficile mais au combien passionnant. Sortie prévue le 15 Octobre.
Textes conptemporains
Marcial Jalabert
L’ART, FILS DE PUTE OU FILS DE JOIE ?
vendredi 3 février 2006

L’ART, FILS DE PUTE OU FILS DE JOIE ?

Avertissement : ici s’arrêtent les lois les plus élémentaires de l’argumentation littéraire et de la bienséance.

Scène primitive du flash-back.

C’était le début de l’été à Paris, j’avais des thunes plein les fouilles et Myriam était superbe. Dites-moi si je déconne mais toutes les histoires devraient s’arrêter là. Pourtant, un soir, à la sortie de la Loco, on est tombé sur Charly, un pote de lycée avec qui j’avais fait les quatre cents coups autrefois. Le manège de la vie nous avait séparés, comme on dit, et puis tout à trac, voilà mon Charly qui surgissait sans prévenir. Il n’avait rien perdu de sa fougue. Il m’a plaqué contre lui en m’embrassant chaleureusement et m’a refilé sa carte de visite. " J’habite sur la Côte, je repars demain, passe me voir si tu cherches un bon plan " a-t-il dit sans cesser de mater Myriam. " Ouais, super ! " a répondu une voix inconnue en moi.

Le jour s’était-il levé ?

Impossible à dire à travers les persiennes et les rideaux tirés. Marc, assis en tailleur sur le tapis afghan du salon, lisait à voix haute ses écrits de la nuit : " L’artiste est un étrange animal à sang chaud qui vit dans un immeuble au coin de la rue et souffre d’un mal invisible pas répertorié par la Sécurité Sociale : il est possédé, possédé par une nécessité tyrannique, la nécessité de créer. Il en a plein les tripes. Il est perpétuellement enceint. C’est un démiurge. C’est une parturiente... " La galère. C’était un autre temps, sûrement. Un autre lieu, une autre histoire de fils de quelque chose. Je ne sais plus. C’était l’hiver, en tout cas. Il pleuvait et il faisait froid, il y a des nuits comme ça. Allongée sur le vieux canapé de sa mère, Nina parlait pendant les brefs silences de Marc. Je répondais. On discutait depuis des heures... La question était de savoir qui sortirait chercher des clopes.

Myriam en short (avec sa mère).

Myriam est née à Los Angeles au début des années 50. Son grand-père était l’un des plus prestigieux scénaristes de l’après-guerre et il a inscrit son nom sur le générique des meilleures comédies hollywoodiennes de l’époque. Humphrey Bogart, Clark Gable et bien d’autres ont tenu Myriam dans leurs bras quand elle était bébé.

Débarquée à Paris en 85, au début des années rose-dégueulis, elle expose des photos géantes d’artistes inconnus, maculées de peinture à la couleur du temps, puis montre son cul dans une galerie très chic avant de traiter en public Pierre Nahon d’escroc. Bref, elle se fait en deux mois une réputation imprenable de petite peste talentueuse.

Scène perdue... C’était quoi, déjà, le sujet ?

C’était sur l’art qui serait peut-être le dernier rempart de l’humanité, une connerie comme ça, ils savent pas trop. Ouais, ben, laisse tomber ! Jed est arrivé mal rasé, avec son éternel imper sale et froissé, le regard embué. Je parie qu’il avait encore une fois misé sur un toquard et qu’il avait perdu. Il s’est assis près de Nina pendant que Marc poursuivait sa litanie : " L’artiste lutte contre le temps. Son œuvre, sa déjection, est appelée à lui survivre pour nier le temps assassin. Car si l’artiste est mortel, l’art est appelé à transcender la mort ". " Non, mais, il est con ou quoi ? " a fait remarqué Nina. " T’as pas autre chose ? " a demandé Jed. " J’étais le dernier, a continué Marc. Ils m’ont attrapé. Ils m’ont dit que j’étais sale, ils m’ont traité d’artiste, de pédé, de nègre et de juif, ils ont dit que je vivais comme un gitan, que j’étais un voleur, un feignant, un va-nu-pieds, que je me complaisais dans la fange... " Nina était furieuse. Elle allait mettre son manteau en skaï pour affronter les quatre cents mètres glacés qui menaient au tabac de la Place du Châtelet quand Jed a sorti son paquet et allumé une nuit grave. Nina lui a sauté dessus. " Il t’en reste, salaud ! "

la vie est un long film américain.

Myriam, je l’avais rencontrée pendant la nuit du passage à l’an 2000 dans un Chinois de Saint-Germain-des-Prés. Elle était avec des amis, des gens de l’édition, des directeurs littéraires et autres phénomènes à niche très localisée. Coup de foudre instantané. Elle avait 47 ans et des comptes à régler avec la chienne de vie. Mais la chienne a de bons crocs. Myriam est morte le mois dernier, la pompe en érection dans la veine, à moitié nue sur la plage de Roquebrune, Eve de boue et de paille. C’est ça. Dire les choses comme ça. Ne pas insinuer que l’art, généré par l’angoisse, donc par la pulsion de mort, procède cependant de la joie, ni tenter de démontrer que l’écriture, cette chienne andalouse, est bien une fille de pute génétiquement modifiée. Rien de tout ça. Myriam était beaucoup plus prosaïque. Elle a piqué du nez et ne s’est plus relevée. Fraîcheur de vivre. Hollywood chewing-gum.

La morale s’impose mais l’instinct demeure.

Keskitrèndanlairkeno ? A tout hasard, j’avale une poignée de cachets en vrac. Allongé sur le tapis afghan, les yeux en rémoulade, la bite en béton, je suis presque mort. Enième matin dans l’espace à 1000 km de la Terre. Et maintenant, un coléoptère agonise en moi. Il me raconte ma vie. Fait mon éthologie. Me dit que l’artiste est viscéralement un grand malade. Qu’il ne guérira pas. Sauf à tout renier (ou à tout rogner, j’ai pas bien compris). " Oh ! toi Grand Koléo, dis-moi pourquoi l’artiste possède ce goût immodéré pour les affres simultanées de la pâmoison et de l’esclavage, je veux parler de cette impérieuse nécessité créative ? " demanda la voix inconnue en moi. " Parce que ce goût immodéré mène à l’entrée secrète des vers d’un poète oublié ", a répondu Nina en se levant, ce qui était parfaitement ridicule car elle n’avait pas besoin de se lever pour dire ça. Si au moins elle avait souligné l’ambiguïté d’entrée secrète des vers. Même pas. Et maintenant, l’autre en avait profité pour filer. Où est passé mon coléoptère ? I want my coleopter back ! Je pense à Rimbaud qui a filé aussi, dans le grand sud, pour vivre enfin sa vraie vie loin des foutaises du Parnasse. Il a tout renié (ou rogné ? Un sentiment d’incompréhension persistera toujours entre mon coléoptère et moi). Comme ton malheur est proche du mien, Arthur. Je suis ton frère, ne m’abandonne pas !

Scène 007. Retour sur votre mission, si toutefois vous l’acceptez...

Le plan de Charly s’appelait Mario. Il nous avait donné rendez-vous chez lui, dans l’arrière-pays d’Antibes. Charly avait loué pour l’occasion une Chrysler rose en affirmant que ce genre de bagnole ouvrait toutes les portes et il n’avait pas tort. Sur le coup des huit heures, on a tous embarqué dans la Chrysler de Charly. Le lecteur de CD diffusait du Dashiel Hedayat et on planait comme des bêtes. Quelques kilomètres après la sortie d’un village, on a bifurqué sur une route sinueuse qui grimpait à travers la garrigue et les bosquets. La voiture a débouché sur une crête avant de plonger de l’autre côté. A chaque virage, la montagne s’effaçait devant la perspective paradisiaque du golfe en dessous comme dans l’image finale d’un grand classique du cinéma en technicolor. Le paysage s’offrait aux bras jouisseurs du soleil qui repeignait la mer. C’était l’instant de l’utopie possible.

Mais revenons, puisque vous insistez, à l’art qui transforme le monde. N’oublions pas qu’il le transforme en monde de l’art.

Le nuage grenat qui ceinturait Paris ce jour-là n’est vraisemblablement pour rien dans ce qui va suivre. Dans ma tête tournait et retournait le projet dont m’avait parlé Myriam lorsque nous étions chez Jean-Claude, son ami directeur de collection au

Seuil. Il s’agissait de revisiter l’histoire de l’art en coupant sec dans la production marchandise (dans le sens de Debord) pour en isoler la création brute. Un truc méchant. Un truc d’intello. Fallait laisser le lecteur comme une poule devant un mégot en allant débusquer l’ultime vérité dans l’œil des créateurs. Quitte à le leur arracher. L’idée plaisait à Myriam. Tout ce qu’il fallait arracher plaisait à Myriam. Myriam était une fille exceptionnelle qui méritait d’être vengée.

L’artiste est le maître de l’ontologie désespérante.

Etais-je enfin mort ? L’ange nommé Marc avait repris sa lecture : " De temps en temps passe le temps, d’amour en amour passe l’amour... ". " Ça fait chier, a dit Nina en se regardant dans la psyché. Vous vous rendez compte qu’ils m’ont accusée d’avoir écrabouillé ce type ? Mais je sais plus ce que j’ai fait... J’ai dû accélérer. Les anges tombaient comme des mouches... Le baigneur dans la mer... Un maelström d’eau et de chair... Giclées sur le pare-brise... Nuit étoilée... " Je rouvre les yeux, définitivement guéri. Gramsci parle du pessimisme de l’intelligence et de l’optimisme de l’action. " Tu vois tout ce qu’il te reste à faire ? " continue Marc. J’étais vraiment aveugle. Avec Marc, la vie n’est jamais ennuyeuse.

Scène dans laquelle l’Amérique passe de la barbarie à la décadence sans passer par la civilisation.

La Chrysler a bientôt viré à droite sous un portique en fer forgé et s’est engagée dans une pinède sur un chemin de terre bordé de lauriers en fleurs. Charly s’est garé près d’une fontaine sur un parking improvisé à dix mètres de la maison. Il n’avait pas menti. La villa était vraiment au poil, posée comme par enchantement sur un à-pic rocheux, avec des balcons tarabiscotés aux deux étages et une immense terrasse de réception couverte de mosaïque, prolongée par une piscine dont les rebords se confondaient avec la baignoire bleue de la Méditerranée en contrebas. Myriam m’a pris la main et j’ai dit comme un con : " Bon sang, ce que c’est chouette ! " " Y en a ici, hein ? " a fait Charly qui jubilait de voir notre tête. Face à l’harmonie joyeuse de l’architecture, aux palmiers qui nous tendaient les bras et au camaïeu de la mer et du ciel, je n’ai pas éprouvé le besoin de répondre à Charly. Subjugué, j’ai serré plus fort la main de Myriam et on est resté là, comme deux gogos, à regarder le générique du film jusqu’au bout. Pourtant, pour moi, en quelques secondes, tout était devenu lumineux, clair comme un vrai projet de vie. La vie de château, c’était tout à fait ce qu’il nous fallait à Myriam et à moi ! De la thune, bordel ! Du pognon, des pesos ! Pour se payer du bon temps ! Ouais ! Du bon temps ! De l’éclate à tous les étages !

Comme je ne répondais pas, Charly s’est approché de nous avec son petit sourire malin et il a cru bon d’insister : " Y en a ici, hein ? Du fric, du flouze, mec ! De la grosse galette ! "

Au cœur du fruit, la prise de conscience.

La caméra nous propulse sans transition dans l’atelier de Matisse, c’est la fin de la bobine. Le réalisateur demande : " Qu’est-ce que l’art ? " Le vieil homme, cloué dans son fauteuil, une paire de ciseaux à la main, découpant des formes dans des papiers colorés, répond : " C’est un jeu d’enfant ". A cette même question, dans un autre film, Picasso ne répond pas. Malin comme un singe espagnol, il tire la langue et retourne le dessin qu’il était en train de réaliser sur la vitre. Il réchauffe quelques traits, fait revenir quelques ombres, rajoute une pincée de sel sur les tapas. Magie. La terrasse de café sur le port est devenue un taureau assis dans l’arène. Il sourit. C’est fini. Les philosophes de tous les temps s’y sont cassé les dents car l’essence de l’art n’est pas de l’art. Compris ?

Jed, faudra penser à éteindre les lumières en sortant.

L’artiste est multiple, liquide, résistant. Il s’écoule dans le creuset social comme un oiseau dans une moulinette, en y laissant des plumes. Quinze ans fermes à cause de Charly, sacré Charly. Mais t’inquiète pas, fils de joie, j’aurai ta peau. Quant à Nina, elle n’a jamais rien su. Le type écrabouillé, elle a dû le lire dans les journaux. Ou ce sont les flics qui l’auront suggéré devant elle. Mais c’est une fausse piste. Ils ne retrouveront jamais ce salaud de rital. Elle vient nous voir une fois par mois. Elle se gare devant la vitre du parloir, allume ses phares et raconte ses problèmes mécaniques. J’ai parfois l’impression qu’elle se prend pour une bagnole. C’est tout le contraire de Myriam qui se prenait seulement la tête. Mais pourquoi je dis ça, moi ? Au fait, paraît que Jed a fait nettoyer son imper et que Marc a retrouvé l’éternité à la dernière page de son cahier de lecture. On dit merci qui ? Vous voyez que rien n’est jamais perdu pour les fils de quelque chose. Bon, c’est pas tout, parait que je suis convoqué à l’infirmerie. Par le Koléo en chef. Vous me raconterez la suite.

Martial Jalabert, Paris - l’Isle de Noé, août 2005